Pio Santini 1908-1986

(1908-1986)

Biographie

(ill. 1).

Pio Santini naît le 17 avril 1908 près de Rome, à Tivoli, la « Tibur Superbum » des antiques romains, sublime petite ville de cascades et cascatelles accrochée aux premiers contreforts de l'Apennin et parsemée de trésors artistiques de l'Antiquité et de la Renaissance tels que la Villa Adriana ou la Villa d'Este. C'est une grande joie dans la maison familiale qui trône sur la vieille « cittadella », au numéro 26 de la via Sibilla (ill. 1).

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« È nato l'erede ! », écrit son oncle Bernardino dans son journal, exprimant le bonheur que procure à toute la famille l'arrivée, après les deux aînées Elvira et Gilda, de l'héritier du nom tant attendu (ill. 2) ! Il note au passage que ce même 17 avril la chatte de la maison a donné naissance à une portée de chatons, coincidence qui par la suite réjouira vivement Pio Santini, voyant là l'annonce de son amour passionné pour la gent féline.

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Pio partage son enfance et sa jeunesse entre Tivoli et la villa familiale de Grottammare au bord de la mer Adriatique (ill.3).

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II manifeste précocement un goût et des dons artistiques prononcés, à commencer par le dessin et la peinture. Ses dessins d'enfant montrent dès l'âge de 5 à 6 ans un don et une technique hors du commun. Ayant découvert dans un recoin de la maison les couleurs et les pinceaux de son grand-père (ill. 4), il fait lui-même son apprentissage, puis bénéficie bientôt des conseils de son ami le peintre tiburtin Edoardo Tani, grâce auquel il acquiert rapidement des bases techniques solides et une bonne maîtrise de son art. Sa première sculpture, exécutée à l'âge de 16 ans, est une tête de Dante Alighieri. Le comte Colonna, ami de la famille, frappé par la qualité de l'oeuvre, commande son buste au jeune Pio.

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Le résultat est d'une puissance assez surprenante (ill. 5). Impressionné, le Comte lui fait rencontrer le grand sculpteur Carlo Fontana (1865-1956) –auteur d'un des quadriges qui dominent le Monument à Victor-Emmanuel II à Rome– qui lui conseille de pratiquer à outrance le dessin quelle que soit la voie qu'il choisira. Le théâtre apparaît très tôt, lui aussi, parmi les passions de Pio Santini, et il le restera longtemps. Pio transmettra d'ailleurs cette passion à ses fils, dont deux deviendront des comédiens professionnels.
Quoi qu'il en soit, sa famille lui impose des études supérieures à la fin desquelles il obtient un diplôme d'ingénieur électrotechnicien. Ce n'est qu'après avoir satisfait à ces exigences familiales et effectué son service militaire comme officier de cavalerie que Pio Santini peut suivre l'enseignement de l'Académie des Beaux-Arts de Rome, là même où il enseignera quelques années plus tard (ill. 6).
Pio Santini vit à Tivoli jusqu'en 1934.

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À Grottammare, au bord de la mer Adriatique (ill. 7), il rencontre en 1933 Yolande Croci, fille du grand journaliste milanais Pierre Croci qui, après avoir dirigé pendant quelque temps le Corriere della Sera à Milan, s'est établi à Paris avec sa famille. Pio épouse Yolande en 1934 à Saint-Mammès, village proche de Paris longtemps fréquenté par les peintres impressionnistes et où la famille Croci possède une belle propriété en bord de Seine (ill. 8).

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Mais auparavant, dès 1933, Pio Santini vient s'installer à Paris, et c'est à Montparnasse, quartier cher aux artistes, dans la pittoresque rue Daguerre, qu'il s'installe dans son premier atelier parisien (ill. 9). À cet égard, il peut être considéré comme appartenant à l'école de Paris, important mouvement artistique de la première moitié du XX' siècle auquel ont aussi participé, outre Amedeo Modigliani, d'autres artistes italiens tels que Massimo Campigli, Filippo de Pisis, Gino Severini, Gino Gregori ou Luigi Corbellini. Pendant un temps le jeune couple vit tantôt à Paris, tantôt à Tivoli.

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Tout en fréquentant les cours de l'Ecole Estienne pour parfaire sa formation de plasticien, Pio Santini commence à se faire remarquer dans divers Salons parisiens (notamment le Salon d'Hiver (ill. 10), le Salon des Indépendants et le Salon des Artistes Français) et à faire sa place dans l'univers parisien de la peinture, comme le montrent les revues de presse de l'époque.

Un premier enfant, Pierre, naît au foyer en 1938 à Paris. Malheureusement la guerre éclate en 1939 et va interrompre longuement un début de carrière plein de promesses. Elle incitera en tout cas la famille à s'établir à Paris, où finalement Pio Santini vivra et pratiquera son art jusqu'à la fin de sa vie.

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Pio Santini - 1983 (ill. 11a)

Pio vit très douloureusement le conflit dans lequel son pays natal et son pays d'adoption se trouvent opposés. C'est sans doute pendant cette période que naît profondément en lui l'idée, aujourd'hui pleinement concrétisée, d'une Europe réconciliée et unie, idée qu'il transmettra fortement à ses trois enfants. D'ailleurs, il contribuera lui-même, à sa manière, à la réconciliation et à la reprise des échanges franco-italiens, en fondant après la guerre l'association "Les Romains à Paris", et surtout en créant et en animant pendant une dizaine d'années le Prix Villa d'Este récompensant chaque année un artiste ou un écrivain français en lui offrant un séjour d'un mois à la Villa d'Este à Tivoli. Ce prix sera enrichi ensuite par la création du Prix Montparnasse qui proposera à des artistes italiens une récompense analogue à Paris.
Un deuxième fils, Claude, naît en 1941, puis un troisième, Mario, en 1945. Devant faire face, dans une période économiquement difficile, à de lourdes charges familiales, Pio, installé définitivement dans son grand atelier de la Villa Malakoff, près du Trocadéro (ill.11), ne peut conduire sa carrière d'artiste-peintre comme il le souhaiterait.

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Tout en s'adonnant à sa passion de peindre (ill.12 et 13), il met alors son talent au service de l'illustration dans le domaine de l'édition et de la presse, et laissera de cette période une oeuvre riche et méconnue.
Au début des années 1960, Pio Santini prend la décision, à la fois impérieuse et courageuse, de se consacrer pleinement à la peinture et d'en vivre. Sociétaire de la Société des Artistes Indépendants depuis 1934, il participe dès lors à de nombreuses expositions collectives en France et à l'étranger.

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À Paris (ill. 14), il expose régulièrement dans les grands Salons, dont il est sociétaire pour la plupart : Salon des Indépendants, Salon d'Automne, Salon d'Hiver, Salon National des Beaux-Arts, Salon Comparaison.

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Participant assidu du prestigieux Salon des Artistes français, il y est souvent récompensé : Grand Prix du Salon en 1970 puis en 1974 (ill. 15), Médaille d'or en 1971, Lauréat du Prix Ernest Marché en 1974 (ill. 16),

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, du Prix Finez-Planard (Fondation Taylor) en 1981, du Prix J. M. Avy (Fondation Taylor) en 1983, et du Prix Roger Deverin en 1984. II est également sélectionné pour le Prix de Portrait Paul-Louis Weiller, puis en 1975 dans une sélection du Salon des Artistes français pour des expositions en Union soviétique (musée Pouchkine à Moscou, musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg).
En Italie, il participe régulièrement à la Quadriennale de Rome et à la Biennale de Milan (dont il est également sociétaire). D'autre part, il organise de nombreuses expositions personnelles, parmi lesquelles il faut plus particulièrement retenir les suivantes : Galerie Barbizon

(Paris, 1955), Galerie La Fontanella (Rome, 1959), Villa d'Este (Tivoli, 1959), Galerie Boissière (Paris, 1960), Galerie d'Atri (Paris, 1962), Galerie La Verritrè (Milan, 1963), Gregory Art Gallery (New York, 1966), Galerie Ror Volmar (Paris, 1966), Galerie Okada, (Tokyo, 1975) et Galerie Bernheim-Jeune (Paris, 1980).
En 1979, au crépuscule de sa vie, à l'occasion de la VII' Semaine Tiburtine de l'Art et de la Culture, Pio Santini est élu "Tiburtino dell'anno". Il devient ainsi citoyen d'honneur de sa ville, partageant d'ailleurs cet honneur avec d'autres personnalités de Tivoli comme le professeur Emilio Segrè, Prix Nobel de physique. Il est aussi élu membre de l'Académie des Cinq cents de Rome et de plusieurs autres académies d'art italiennes.
Pio Santini a vécu ses dernières années dans sa maison de Garches, près de Paris. Il a travaillé là jusqu'au dernier moment mais, vaincu par la maladie, il est mort à 78 ans, peu après son épouse Yolande.

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